lundi 2 mars 2009

Vers le fédéralisme français



Dans cet article, le mouvement de Jeunesse du Bloc Breton (section régionale du Bloc Identitaire, classé à l'extrême droite), "Jeune Bretagne", propose un programme fédéraliste dont il ferait en Bretagne une certaine profession de foi ou à tout le moins une piste de réflexion doctrinale.

Cependant dès le premier instant on voit que deux termes se chevauchent: "Fédéralisme européen" d'une part et "fédéralisme identitaire de l'autre", ces deux idées étant censées avoir valeur de synonymes ou presque.

Le détail des propositions pose pour nous un problème. En effet s'y mêlent "régions", "patries charnelles", "fédéralismes européen intégral" et critiques du modèle jacobin. C'est pour nous assez confus. Car les différents concepts présentés dénotent d'une certaine incompréhension de ces notions.

Qu'entend on par fédéralisme européen tout d'abord ? Est-ce celui qui de facto existe dans les pays composant l'UE (que l'on songe au Royaume Uni, à l'Espagne, aux réformistes italiens, à l'Allemagne, etc.) ou bien serait ce un projet politique à part entière, normatif, qui aurait valeur de programme ? Existent ils des forces qui le représentent au niveau européen ? Cette idée dans ce texte repose par ailleurs sur la fameuse "Europe des régions", une Europe qui ne connaîtrait donc aucun échelon intermédiaire.

Il y aurait donc un "fédéralisme européiste" que complèterait un régionalisme intégral.

Hors l'idée même de "région" est très peu européenne en ce sens qu'en Europe, à l'exception de la France, on comprend un ensemble dans sa perspective historique et ethnique. Le terme "région" est une invention jacobine qui a l'aspect idéologiquement utile d'évacuer les questions d'identité, ou plutôt d'appartenance ethnique à des peuples dont fait tout pour qu'il disparaisse. Car en France toute référence à un ensemble communautaire ethnique est un crime de lèse majesté en soi vis à vis des "valeurs républicaines".

Le terme "région" ou "régionalisme" propose donc un certain partage de responsabilité. Mais une "région" n'est qu'une zone géographique. Prenons la carte des "régions de France", la plupart du temps ce sont des créations issue de la tradition rationnaliste française et maçonnique avec lequelles on a essayé d'effacer toutes traces du monde ancien, traditionnel. Les logos abstraits renforçant l'ambiance générale. La Provence ou la Corse ayant été effacées par "PACA" ou bien la Flandre par "Nord Pas de Calais". La région est donc conforme à l'esprit universaliste français: il met en valeur le contenant, l'espace géographique contre le contenu, les communautés ethno-historiques.

En Europe, à l'exception de la France républicaine universaliste, une nation est une communauté ethnique dans son entier. Le peuple allemand forme la nation allemande comme le peuple serbe forme la nation serbe. La Roumanie a ainsi une citoyenneté roumaine mais des nationaux ethniques hongrois, serbes, etc.

Tout ceci pour dire que la région n'est pas un gage d'identité puisque le concept en lui même est anti-ethnique. Construire une Europe sur ce principe, en faire la "brique" du mur Européen serait tout simplement le plus sûr moyen de ne pas trouver d'interlocuteurs dans les autres pays. La région est en fait une simple unité administrative mais qui peut de par sa taille et selon le pays  varier considérablement: la Bretagne est une région de la taille de la nation estonienne, la ville de Hambourg une région de la taille de la nation luxembourgeoise.

Le critère de base, la substance essentielle, reste donc la nation ethnique. Fédéralisme européen ne signifie donc pas par nécessité "régionalisme" en tant que cette entité aurait la taille critique pour être le socle d'une Europe politique unifiée. C'est le peuple comme communauté ethnique qui est la base réelle, charnelle, de l'Europe.

La vraie question en réalité n'est pas le fédéralisme européen, qui est un pléonasme, l'Europe étant par obligation une fédération, mais la nature de ce fédéralisme, son essence et les réformes à faire dans chaque pays pour obtenir une convergence politique européenne à même de se sublimer en un ensemble continental uni.

Le texte de Jeune Bretagne pour intéressant qu'il soit aurait plus sûrement dû poser la question du fédéralisme en France et de la définition ou de la redéfinition de la "nation française" jusqu'à lors compris comme unitaire et non ethnique. Le fédéralisme identitaire est il nécessaire en France et si oui en quoi transforme t'il les notions nationales et quel est son rapport avec l'européisme ?

Il faut donc déjà plutôt que de parler de "régionalisme" en France qui mettrait confusément dans le même sac le folklore poitevin et le nationalisme corse, oser évoquer une redéfinition de la France dans une optique culturellement européenne, donc sur base ethno-nationale avec des ensembles et des sous ensembles. N'ayons pas peur de dire que la Nation française a de ce point de vue une révolution intellectuelle à faire. Puisqu'il s'agit ainsi de repenser l'Europe en tant qu'européen, les critères des états nations ne peuvent en aucun offrir le moindre secours. Puisque l'Europe est le but, c'est l'Europe et l'idée identitaire européenne qui doit alimenter la réorganisation politique du continent et singulièrement de la France républicaine.

Elle devrait tout d'abord admettre qu'elle est pluri-nationales, que les nations corse, basque, bretonne, allemande, catalane et flamande vivent sur son sol. Elle devrait aussi prendre en compte le facteur linguistique qui est le sien entre ses dialectes d'oïl et d'oc et ses langues nationales dans sa refondation identitaire. Pour voir la France d'un oeil neuf, il faut donc regarder le seul critère ethnique qui vaille: une carte des langues de France.

On verrait alors des ensembles homogènes ayant parfois un passé parlant: Bourgogne, Bretagne, Corse. Parfois ces entités n'ont jamais eu de réalité politique. Mais ce réenracinement aurait pour vertu de rompre définitivement avec l'idéologie comme facteur de définition de l'appartenance à la France et les désagréments que ce genre de présupposés progressistes engendrent.

La nécessité d'un programme politique d'unification européenne est certainement une évidence. Et il certain que les mouvances nationalistes ou ethno-communautaires y ont un rôle prépondérant à jouer car l'Europe n'a d'existence que dans ce qui la fonde comme entité regroupant tous les individus de culture et de souche européenne dont les ethnies, les peuples, c'est à dire les nations sont la base.

Mais avant d'aller aussi loin, il faut admettre que c'est bien la France qui de par sa constitution même est profondément opposé à cette idée d'Europe. Pour elle l'Europe n'est pas une réalité populaire et historique, mais une idéologie reposant sur des valeurs compatibles avec son universalisme. Admettons que l'Europe accepte de se définir comme ayant un héritage chrétien et nous verrions la Franc progressiste, républicaine et maçonnique réfléchir à deux fois avant de continuer l'aventure. Tant qu'être européen n'est qu'un serment de respect de valeurs plus ou moins démocratiques, cela ne gêne guère Paris et ses ligues de vertu. Le jour ou cela sous entend d'appartenir à un ensemble humain particulier et non plus à une vérité idéologique universelle, la France est de facto hors course.

Tout cela pour dire qu'il faut donc bien saisir qu'une Europe unie, fédérale est nécessaire, mais que pour cela les états qui la composent doivent être par nature les expressions des individualités européennes. Force est de constater que la France combat cette évolution. Les européens de France doivent donc s'atteler plus qu'à des déclarations d'intention, proposer concrètement EN FRANCE ce qui peut faire évoluer l'état actuel et le mettre en compatibilité avec l'idée européenne comme ensemble culturel, ethnique et civilisationnel cohérent et particulier.

Nous disons donc à Jeune Bretagne d'oser le terme de "fédéralisme français" qui indique plus clairement l'intention et de ne pas confondre "fédéralisme" avec "régionalisme" produit de l'école géographique française jacobine. Le "fédéralisme identitaire" a donc une pertinence s'il est placé dans son cadre français.

Cette cohérence doctrinale est essentielle pour faire la part des choses et être à même de proposer un programme cohérent. Jeune Bretagne et d'autres gagneront donc à mettre en avant le terme de "fédéralisme français", assumant en outre la plurinationalité du pas à l'instar du Royaume Uni ou de l'Espagne. Nul jusqu'à présent n'ose le faire, et pour cause: cela serait révolutionnaire.

Poussons même la logique plus loin, si la base est la nation et l'ensemble l'Europe, alors l'intermédiaire est l'ensemble culturel. Associer les ensembles culturels dans des structures intermédiaires équilibrant le rapport de force entre grosses et petites nations au sein de l'Europe.Les  anglo-celtes peuvent ainsi dans une sorte de conseil anglo-celtique faire valoir leurs intérêts au niveau européen, on verrait ainsi la Bretagne cotoyer l'Angleterre et l'Irlande. Cla existe déjà avec le conseil nordique. L'Allemagne étant en elle même une assemblée germanique, elle se suffirait amplement à elle même. Il  y aurait aussi un ensemble néerlandais allant de Lille à la Hollande, etc. 

La constitution américaine offre enfin un bel exemple de constitution équilibrant ces ensembles avec des nations fédérées représentées en fonction du poids démographique à l'assemblée et des ensembles culturels bénéficiant d'un nombre de sénateurs égal par nations au sénat pour éviter un déséquilibre en faveur des grands groupes nationaux.

Voilà un projet clair, neuf, identitaire et fédéral intégrant ethnisme national et démocratie réelle.




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