dimanche 29 mars 2009

Contradictions Identitaires

"Nous sommes en effet bien loin de cela. Le combat que nous menons est un combat breton, et européen , car nous savons bien évidemment que l'entité « France », ne signifie absolument plus rien aujourd'hui. Il existe des bretons, des basques, des normands, des corses, des flamands, des parisiens, mais le mot français, lui, n'a plus aucun sens , tant ce qualificatif est aujourd'hui attribué à tout et surtout à n'importe qui."

Cette citation du jeune chef de "Jeune Bretagne" est intéressante. Cependant elle s'oppose à ce que dit Fabrice Robert, président du Bloc Identitaire dont fait partie le "Bloc Breton" dont l'une des composantes est Jeune bretagne.

"Une identité s'articulant autour de 3 niveaux: une identité charnelle, c'est la région. Une identité historique, c'est la France. Et enfin une identité civilisationnelle, c'est l'Europe."

Fabrice Robert, Bordeaux, 7 mars 2009


Il y a là manifestement une divergence d'opinion. Et nous aurons tendance à accréditer d'avantage le président du Bloc Identitaire plutôt que le responsable d'une antenne régionale en charge de la jeunesse.

Cela nous permet d'analyser le discours identitaire et d'en voir la profondeur doctrinale.

Tout d'abord on parle d'une "identité charnelle" qui serait la "région". Il y a déjà là une incohérence pour ne pas dire un paradoxe. Le terme de région n'a qu'une dimension géographique: c'est un sous ensemble d'un tout plus vaste en termes d'espace. C'est un terme privilégié de l'école géographique française, universaliste et républicaine, afin de ne pas mettre en valeur les minorités nationales de l'hexagone. Un sous ensemble spatial en effet n'a pas par définition de caractéristique ethnique. La "région Centre" est une région au même titre que la Bretagne. D'un coté nous avons un peuple, avec une histoire nationale et une appartenance  à la civilisation celtique et chrétienne, de l'autre une donnée administrative récente. 

Le terme "région" n'a donc par nature aucune dimension "charnelle". C'est simplement le moyen de ne pas poser la question qui fâche les esprit français anti-ethniques, la question des peuples et minorités nationales. C'est en effet un débat qui créerait de nombreuses frictions et force est de constater que malgré les serments "d'enracinement" du mouvement identitaire, on n'ose pas écorner trop directement le mythe national de Lavisse d'une "Nation" Française homogène dans le temps et l'espace. Y chercher de trop près ce serait avouer qu'il n'y a pas de peuple français et encore moins de "nation français" dans la dimension ethnique de ce terme. Il y a un peuple allemand, il n'y a pas de nation française. Il y a un état français, ce qui est très différent.

Nous voyons donc que le régionalisme identitaire conforte logiquement le mythe d'une "nation française" qui serait en paix avec ses parties constitutives alors même que l'histoire de la "nation française" (1789, Valmy) entame celle de la lutte contre les ensembles ethniques et organiques du royaume de France.

Sur le second concept de France comme "échelon historique" de l'identité, il est aussi sot que le premier. Cela reviendrait à dire qu'en dehors de la "France" il n'y a rien d'historique. Hors ce qui justifie l'idée même d'Europe, c'est précisément qu'au delà de l'histoire des états nationaux issus du 19ème siècle, il existe entre les européens une réalité historique commune. L'Europe est donc un échelon historique aussi pertinent que celui du village, pour la bonne et simple raison que l'histoire est celle d'un tout mais que l'intérêt peut varier en fonction de la focale que l'on utilise. Ce qui justifie l'idée européenne c'est bien plutôt la parenté raciale, linguistique, spirituelle des peuples dits européens et dont l'action dans le temps donne une dimension historique relativement homogène en termes artistiques, religieux, politiques, etc.

Evoquer le sentiment européen ne coûte pas tellement cher aux Identitaires puisque de toutes façons les "identitaires" ne se donnent mandat qu'en France. On verra derrière cet "européisme" un sentiment romantique de sympathie pour les luttes réellement nationales, ethniques, des peuples européens, qui de Hongrie, qui de Croatie, pour mieux combler le cruel vide ethnique français. Et il y a là un aveu: ne pas admettre l'ethnisme en France au profit du "régionalisme", qui ne veut rien dire, tout en cherchant un supplément d'âme en "Europe" sans en admettre les conséquences logiques en France relève de l'inconséquence, voire de l'imposture.

L'idée française est impériale en soi. L'idée européenne également. A cette différence que l'idée française est universaliste et a intégré ces notions au plus profond de son esprit au point d'éradiquer la France organique qui préexistait, la France des langues nationales (breton, corse, occitan, germanique d'Alsace, flamand, etc.). Son colonialisme y a puisé sa justification. Son immigration également. C'est le "vivre-ensemble" républicain qui n'est que l'envers du "devoir de civiliser les peuples inférieurs".

Si l'on se revendique de "l'archéo-futurisme", on ne peut se contenter d'une simple volonté contre-révolutionnaire et réactionnaire représentée par le monarchisme français qui d'ailleurs a clairement fait le choix du formalisme au détriment la contre-révolution. La France des provinces n'existera plus en l'état car ces provinces ont été détruites. On peut certes militer pour la rebâtir, mais même en y parvenant elle ne sera jamais plus à l'image de ce qu'elle fût. C'est donc que des bases ethno-culturelles il faut bâtir une idée nouvelle et non pas lutter désespérement pour le retour impossible du passé.

Tout le monde admettra donc que rien ne sera plus comme avant et que "révolution française" et "France" se confonde désormais intimement et que tout français conscient et volontariste ne voudra jamais rompre avec cette synthèse acquise de haute lutte. Il n'y a donc dans cette position visant à marier la carpe (révolution française universaliste) et le lapin (Europe) aucune espèce de voie de salut si l'on est réellement opposé à l'universalisme.

Il faut donc appeler un chat un chat et ne pas essayer de concilier l'inconciliable, c'est à dire universalisme révolutionnaire et propositions ethniques.

La France a une vocation impériale. L'Europe aussi. Mais il ne peut y avoir deux empires pour un même sol. Les souverainistes, de gauche et de droite, l'ont bien compris et démontrent une réelle cohérence idéologique. Pour l'ethniste, qui est particulariste et donc admet comme essentielles les notions de parenté culturelle et spirituelle, la France universaliste ne peut jouer comme idée aucun espèce de rôle dans la construction européenne. La France est irrémédiablement consubstantiellement universaliste et intégrationniste. Il en va de la survie même de sa vérité. L'Europe lui fait de l'ombre comme transcendance politique pour les peuples du continent. Car l'Europe par définition est un particularisme mondial comme la  Bretagne est un particularisme hexagonal. Il est donc logique que pour faire l'Europe les particularismes s'accordent et convergent vers elle au détriment des états nations artificiels.

Les identitaires ne sont pour l'heure pas prêt à oser cette audace intellectuelle. Il préfère jouer avec des concepts construits par le jacobinisme. C'est en soi contre-révolutionnaire et conservateur. Inventer ses propres catégories politiques, c'est cela être révolutionnaire ou "évolutionnaire". 

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