mercredi 10 décembre 2008

Réunification: l'atout maritime

RÉUNIFICATION. L’ATOUT MARITIME

Professeur de géographie à Rennes 2 et président de Bretagne Prospective, Jean Ollivro estime que la réunification de la Bretagne ne nuirait en rien à la Basse-Bretagne. « Nantes, dit-il, est un élément logistique capital ».

Quels sont les arguments qui, selon vous, militent en faveur d’une réunification de la Bretagne ? L’important, aujourd’hui, c’est la question de l’économie. Il y a une argumentation assez forte que l’on connaît sur les plans historique, culturel et géographique mais on oublie trop souvent la dimension économique. Actuellement, la Bretagne souffre d’un déficit de fonctionnement avec la mer. Nous avons une logique trop terrienne. La réunification de la Bretagne renforcerait son ouverture sur le monde. Le débouché naturel de la Bretagne, c’est Nantes. 

Oui mais cela ne se ferait-il pas au détriment de la Basse-Bretagne et de Brest ? C’est tout le contraire. Plus on est dans une logique terrienne, plus la Bretagne occidentale est fragilisée. Aujourd’hui, 80 % du commerce mondial passe par la mer. Les régions en Europe qui fonctionnent bien associent un port puissant à des ports secondaires. Nantes est un élément logistique capital pour la Basse-Bretagne.

En 1851, la Basse-Bretagne comptait 451.000 habitants de moins que la Haute-Bretagne. Aujourd’hui, l’écart est d’un million. Le phénomène s’explique essentiellement par la réalité d’un fonctionnement très terrien qui, s’il a permis certains progrès, nous a également placés très à l’ouest. Quand on avait un fonctionnement maritime, Brest était plus peuplée que Rennes. 

Vous voulez dire que la Basse-Bretagne a tout à gagner à une Bretagne à cinq départements ? Si on reste à quatre départements, c’est l’affaiblissement de la Basse-Bretagne et même, à terme, de Rennes. Rennes, et d’ailleurs Nantes, n’ont aucun avenir s’il n’y a pas une région forte derrière. Si Rennes est la tête d’une sorte de Connemara, elle est morte. Dans l’Histoire, Rennes a toujours été prospère quand elle était un rouage entre la Bretagne et la France. Rennes et Nantes sont des villes de rouage. Elles ont intérêt à avoir un arrière-pays constitué. Il faut être dans une logique gagnant-gagnant. 

Mais cela est-il possible, compte tenu de la rivalité entre les deux villes ? Aujourd’hui, ce qui compte, c’est un fonctionnement en réseau plutôt que d’avoir une seule tête. Il y a, avec une éventuelle réunification, l’occasion de formuler un projet breton dans lequel on intègre Nantes et Rennes mais aussi Brest, Lorient, Saint-Brieuc et donc d’envisager une sorte de partage des compétences. 

Le moment vous paraît-il propice pour démarrer le chantier ? Il y a aujourd’hui, incontestablement, une fenêtre. Je pense que les propos du président de la République témoignent du fait que l’administration se rend compte du décalage des institutions avec la vie réelle. Si on veut réformer, calons la réalité des territoires sur la vie quotidienne des gens. Le milieu universitaire soutient ça depuis longtemps. Reste à savoir si les Bretons vont saisir cette occasion, pas seulement les élus mais aussi la société civile. Cela permettra également de mettre au jour les intérêts locaux rétrogrades de quelques-uns qui ont peur pour leur chapelle. 

Propos recueillis par Yvon Corre

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