"La franc- maçonnerie en Bretagne
La loge brestoise L'Heureuse Rencontre, fondée le 4 décembre 1745, est la première dont la date de création soit connue avec certitude, mais il existait alors déjà une loge maçonnique à Nantes (Saint-Jean-de-Jérusalem), et une autre à Lorient (L'Union), fondées toutes deux l'année précédente et une loge avait sans doute été créée aussi dès 1744 à Rennes. D'autres loges apparurent ensuite à Dinan (La Tendre Fraternité) en 1760, à Saint-Brieuc (La Vertu Triomphante) en 1765, à Quimper en 1768, à Guingamp et à Saint-Malo en 1772, à Châtelaudren (La Sincère Union) et au Croisic en 1774, à Morlaix en 1775, à Moncontour et à Ploërmel en 1776, à Fougères en 1777... Quand on sait que la franc-maçonnerie est née à Londres le 24 juin 1717 et que la première loge créée en France l'a été à Paris en 1726, on constate que la Bretagne n'est pas restée à l'écart du mouvement. Une bonne partie de l'élite sociale et intellectuelle de la province, dont de nombreux nobles et aussi des membres du clergé, s'est retrouvée dans les loges à la veille de la Révolution française. Des personnalités aussi différentes qu'Armand Tuffin de La Rouërie, futur instigateur de la chouannerie, ou Isaac Le Chapelier, avocat rennais, député du Tiers aux États Généraux et président de l'Assemblée Constituante dans la nuit du 4 août 1789, étaient francs-maçons. On ne peut attribuer à la seule franc-maçonnerie le déclenchement de la Révolution française, mais il est certain qu'elle a contribué à saper l'ancien ordre social et politique et à cristalliser la réclamation des réformes profondes dont le pays avait besoin.
D'autres loges ont vu le jour au début du XIXe siècle dans des villes plus petites comme Lannion, Lamballe, Hédé, Machecoul, Vannes et même Le Palais, à Belle-Île, mais cette fois sans représentants de la noblesse, ni du clergé. Les loges n'ont joué qu'un rôle limité ensuite et il faut attendre les dernières années du Second Empire et surtout la Troisième République pour les voir, en Bretagne comme dans le reste de la France, se développer rapidement et jouer un rôle capital dans la consolidation des institutions républicaines et la lutte contre l'Église catholique, notamment à travers la Libre Pensée et la Ligue de l'Enseignement, dont l'un des fondateurs, aux côtés de Jean Macé, a été un Breton, Charles-Louis Chassin. De nombreux maçons bretons se sont illustrés dans le combat laïc et ont occupé souvent un rang important dans le personnel politique de la IIIe République.
Aujourd'hui, dans une société largement laïcisée et déconfessionnalisée, en Bretagne comme ailleurs, le combat politique et social a perdu beaucoup de sa virulence et parfois de sa violence (on pense aux Inventaires ou bien encore à la montée des Ligues), les enjeux se sont déplacés mais les loges maçonniques restent toujours très actives et exercent une influence non négligeable sur la vie politique de la région.
Publié dans l'Almanach de la Bretagne, Editions Larousse, Paris, 384 pages.
© Bernard Le Nail"
Via ABP
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