Anjela Duval, l'esprit de Breizh
Breizh, quand notre reine s'éveillera
Le tour de France est un évènement d'envergure internationale. L'état français le sait pertinemment et communique allègrement sur les paysages dont la diversité fascine de nombreux étrangers. Cela ne l'empêche par ailleurs pas de vomir les "particularismes" et tout ce qui sent le terroir, comme le font les messieurs propres et bien élevés de la grande capitale en se pinçant le nez à la vue d'un biniou. Du point de vue français donc, l'identitaire est une affaire commerciale qui se réduit au "typique", et qui comme pour le vendeur local de souvenir n'est rien de plus qu'un gagne pain pour attrape nigaud. Cependant l'utilité de cette promotion touristique et sportive a l'avantage de concorder avec la seule chose qu'un français comprenne: l'autoglorification et la parade. Assistant moi même à la première étape bretonne au Canada, j'ai pu assisté avec une distance bien venue la réalité du sentiment d'appartenance à la Bretagne qui un jour deviendra peut être "Breizh", la nation bretonne relevée. La profusion du drapeau national, le Gwen Ha Du, plaçait d'emblée le ton. Officiellement en France, dans une Bretagne ayant subi tant d'entreprises de nivellement, on aurait pu s'attendre à voir des serments symboliques d'appartenance à cette République Française tant vantée par la presse du régime. Le petit peuple, libre de toute contrainte et se livrant avec candeur au jeu du spectateur exhibitionniste, donnait contre toute attente mille preuves de sa résistance identitaire. Il fût un temps, pas si lointain, ou l'on aurait vu les bretons se bousculer pour agiter un tricolore qu'ils considéraient comme un instrument de promotion sociale, économique et culturelle. Cette époque, nous pouvons le dire sans broncher, est bien close.
Comme tout évènement de masse, le tour de France en Bretagne donne de nombreux indices que l'observateur collecte, tel un sociologue, pour prendre la température. Depuis le Canada, les émissions françaises tranchaient avec celles produites par les anglo-saxons, traditionnellement ouvert à la différence culturelle. Les images parlaient également avec force. Ainsi au départ de Brest, devant un plateau de télé ou des animateurs parisiens vantaient la gloire nationale jaunie, les poteaux de la place principale glaciale de cette cité typiquement française (architecturalement) étaient couverts de drapeaux tricolores. L'institution, la mairie et l'état, parlaient. Mais les bretons amassés sur la même place n'avaient qu'un seul drapeau: le Gwen Ha Du. Une erreur rapidement corrigée puisque quelques instants plus tard un drapeau tricolore gigantesque, sortit comme par miracle de nulle part, était brandi sur le devant de la scène, près de deux grands Gwen Ha Du seuls jusqu'à lors. Le réalisateur fit le reste en s'attardant interminablement sur ce qui devenait une union malheureuse entre le drapeau de la légitimité populaire et historique et le drapeau de l'oppression, de la grossièreté et du nationalisme dans ce qu'il a de plus vulgaire. Qu'importe, la réalité se résumait bien en quelques images.
Le lendemain le tour s'élançait. L'équipe de télévision canadienne se dote d'un commentateur gastronomique français qui est chargé de promouvoir ce que le monde connaît le mieux de la France: la cuisine française. Naturellement venu de Paris, l'oiseau évitait soigneusement de mentionner ce qui caractérise la gastronomie bretonne, trop rustique et pas assez branché, pour évoquer la cuisine d'un "ami chef" auteur d'une "salade roscovite" (authentique) que l'histoire a déjà oublié. On s'attardait aussi sur un vin du Val de Loire (sic), car c'est connu la France produit du vin et là ou elle n'en produit pas, elle en a tout de même. Le présentateur s'en excuse, "la Bretagne ne produit pas de vin". Les artisans bretons travaillant les pommiers à cidre capables de fournir un produit d'une qualité mondiale dans le respect de la tradition en seront pour leurs frais car c'est entendu: la Bretagne française se contente du muscadet. Kig ha farz, crêpes, andouilles, cidre, le tout a disparu comme par magie. Laissez à un français le soin de parler de culture, vous savez d'avance que l'on sombrera dans le "chic", un chic ranci: c'est Line Renaud qui attend les coureurs à l'arrivée...Images de la France internationale...Superficialité rime avec francité.
Cependant les images parleront plus et les canadiens également. Le départ est donné et la profusion de drapeaux bretons marquent les commentateurs d'outre atlantique qui ne cessent d'évoquer le "breton flag", le "drapeau breton", qui flotte partout laissant à quelques rares touristes français le soin de mentionner comme ils le peuvent leur petit impérialisme avec un tricolore délavé. Les bretons improvisent cent astuces pour capter l'attention des cadreurs. Un père de famille chevauche un quad avec un gigantesque Gwenn Ha Du attaché à l'arrière, la petite fille rivée au guidon. Des dizaines de spectateurs agitent les hermines et les bandes noires tandis qu'un sonneur interpelle nos commentateurs qui évoquent la cornemuse locale avec curiosité. Finalement les commentateurs évoquent le fait que nous n'avons pas à faire à des "français" mais à des "bretons", disposant "d'une langue à eux", et mangeant des "galettes" qui sont d'après les mêmes canadiens "délicieuses". Au fil du parcours on voit à plusieurs reprises la croix noire du drapeau de l'armée bretonne, le kroas du, vaincue paraît il à Saint Aubin du Cormier en 1488.
Le spectateur que je suis constate donc qu'un hold up général maintient le pays en état de sujétion. Aucune représentativité politique, aucune liberté culturelle ne recoupe cette affirmation d'originalité identitaire. A l'image de la place de Brest: le peuple est breton mais le pouvoir est français. La légitimité parle et se suffit à elle même: le petit peuple a admis la victoire historique de Breiz Atao, de ces "autonomistes" de malheur tourmentant depuis des décennies les français. Le Gwenn Ha Du est le symbole populaire, écrasant les clivages artificiels des partis français qui assurent la mise sous tutelle de la Bretagne contemporaine. Le peuple en retournant au travail acceptera sans broncher la tyrannie des gérontocrates au pouvoir qui se partagent dans un népotisme digne d'une colonie africaine du XIXème siècle l'autorité sur la vie locale.
Le serpent du peloton avance dans une bretagne qui sur les écrans donnent l'impression d'un voyage dans le temps. Les chapelles et les églises si bretonnes, le paysage si vert et vallonné tranche avec le vide incroyable de la France et notablement celui du bassin parisien. On a du mal à croire que l'on évoque le même pays et la même époque. Cette Bretagne authentique mais muselée et terrorisée par mille méthodes perverses, de la répression policière sur les routes aux oukases préfectoraux, dit en toute simplicité qu'elle vit malgré tout, malgré le matraquage médiatique visant à l'intéresser aux affaires franco-françaises, malgré la répression contre la langue nationale, malgré le musellement de sa presse alignée sur Paris, malgré tant de choses...
Ce souffle breton est bien vivant et tranche avec le silence politique et civile sur la question identitaire, sociale et civique d'une Bretagne libérée. Ce souffle est plus puissant que jamais: la France impériale d'hier à la tête d'un empire gigantesque, d'un prestige militaire mondial vit sa légitimité contestée par une poignée de nationalistes bretons d'une vingtaine d'année en 1919, comment ne pas croire qu'à l'heure de l'Europe, de la faillite française générale, qu'à l'heure de l'émancipation des peuples et du renforcement de l'attachement à l'identité, comment ne pas croire que cette Bretagne d'agonie ne puisse accouchée de Breizh, notre reine ? Il ne tient qu'à nous patriotes de conclure 30 ans d'errements dus à une politisation excessive de questions qui devraient faire l'unanimité, de rivalités d'égos stériles, d'un manque de professionnalisme dans le combat politique.
Nous avons un capital historique, à l'image de ce drapeau breton honni en 1944 et célébré aujourd'hui par tout un peuple qui a admis que la question bretonne, ressentie même de manière inconsciente, a quelque chose à dire, une création à réaliser, finalement à se réaliser elle même d'une manière ou d'une autre. Ce capital historique ne se suffit pas à lui même mais il annonce par son actualité que Breizh est un idéal qui sommeille et qui peut se réveiller. C'est un Nicolas Sarkozy conscient de cela qui insista auprès des espagnols à Madrid pour en finir avec l'aventure nationaliste basque. Il annonçait franchement que le cas basque pouvait advenir, non pas en Corse comme il aurait pu le dire communément, mais en Bretagne. Et la Bretagne compte 4 millions d'habitants. Une aventure susceptible de faire s'effondrer une maison jacobine en bout de course, se raccrochant à des mantras républicains pour ne pas se noyer.
Breizh, notre reine endormie, notre mère à tous, bretons, nous attend et espère. Elle est partout dans le pays, elle est l'idéal qui nous entoure, même invisible dans la brume de notre patrie occupée. Elle attend, elle attend qu'enfin les patriotes s'organisent et s'unissent, elle attend la liberté.
Houarneg Ar Meur, Commission Politique et Résistance Culturelle
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