On entendait ici et là que le département dans la structure administrative française était devenu obsolète. Et de fait il n'est qu'un reliquat de l'idéologie révolutionnaire qui s'était empressée de briser les provinces en les concassant de manière uniforme. La Nation Bretonne perdit ainsi en 1789 son autonomie assurée par le traité déjà illégal de 1532 dit "d'Union de la Bretagne à la France". Conçue pour être parcourue à cheval en un jour, cette structure est le symbole de la raison froide admirée par les robespierristes contre l'identité charnelle des peuples de France. De par sa taille, il ne peut plus peser dans une Europe ou des régions-états s'affirment avec force comme la Catalogne ou la Bavière. Qu'importe, seule la prédominance de Paris prime en France et donc celle de l'oligarchie.
On peut ainsi lire dans la presse française que de l'opposition des députés au projet de suppression des départements est ressortie une vive inquiétude au plus haut sommet de l'état, celle de se mettre à dos cette aristocratie qui ne veut pas dire son nom. Et comme toujours en France, une réforme va aboutir à ... renforcer le camp des conservateurs !
"Réforme des régions avant 2010 ?
Crée par la Révolution française, l’échelon départemental a acquis une légitimité historique, doublée d’une forte charge identitaire, ainsi que l’a démontré le tollé provoqué par la réforme des plaques d’immatriculation. Selon Le Monde, le gouvernement envisagerait donc de revenir au système de 1972, année de création des régions, où les conseils régionaux étaient alors composés de conseillers généraux. L’échelon départemental retrouverait ainsi le sommet de la hiérarchie territoriale, la région se transformant en une sorte de fédération de départements. Une idée à l’opposé de ce que préconisait le rapport Attali, qui envisageait la suppression pure et simple de ces derniers. Qui semble dictée à la fois par des exigences de bonne gestion et par des considérations politiciennes. Quitte à fâcher les élus, autant fâcher les conseils régionaux… 20 sur 22 sont présidés par les socialistes jusqu’en 2010."
On est d'ailleurs épaté de voir que l'argument "identitaire" est mis en avant dans cette joute verbale pour la défense de cet entité dont l'objectif est d'éliminer les... particularismes identitaires ! Car si le département est bien l'antithèse de quelque chose, c'est bien celle de l'appartenance à une entité historique spécifique comme les provinces de l'Ancien régime. C'est d'ailleurs la raison de leur mise en place par les jacobins révolutionnaires: casser les corps intermédiaires légitimés par l'histoire afin d'asseoir la suprématie idéologique et politique de Paris. L'idéologie contre la culture. Ainsi un numéro à deux chiffres devient pour les jacobins le meilleur atout de l'enracinement, comme le prisonnier s'identifierait à son matricule telle la corde qui soutient le pendu.
L'explication ne manque pas de sel et l'on nage en plein délire. Quand on sait que les régions sont elles vraiment chargées d'une dimension culturelle et historique donc identitaire et que les jacobins refusent la réunification bretonne ou normande au nom d'un refus d'un "repli identitaire", on ne peut que sourire devant cette grossière manoeuvre des nostalgiques de Robespierre pour éviter un retour en force de l'identité européenne en France et voir leur savante construction artificielle s'effondrer. On notera aussi le degré d'abrutissement atteint au sein des masses en France qui s'identifient désormais à des noms de rivières (Indre par exemple) au lieu de celle de leur culture (bretonne, alsacienne, auvergnate). Un abrutissement anti-identitaire, typiquement universaliste et abstrait très bien incarné par le chiffre froid du département, qui fût promu de tous temps par ceux qui aujourd'hui osent se réclamer de l'identité, eux qui ont patiemment détruit celle des peuples de ce pays.
Nul doute d'ailleurs que la pression du Grand Orient de France a su jouer à plein, en parallèle à la panique d'une poignée de hobereaux qui prospèrent dans des couloirs départementaux plus que louches en se sucrant dans mille combines mirobolantes.
Ainsi les départements donnés pour morts il y a peu tant leur archaïsme a atteint des sommets, vont sans doute redevenir le point fort de l'organisation territoriale française. Cela suppose la quasi destruction de la région, que tous les experts soucieux de rationalité, d'efficacité et de légitimité donnent pour infiniment plus pertinente et légitime. Mais comme toujours en République Française, l'intérêt de la caste au pouvoir passera avant celui du peuple.
Comme par hasard d'ailleurs, une campagne pour le maintien du numéro du département sur les plaques d'immatriculation est apparue avec à sa tête des députés mis sur le pied de guerre par leurs collègues conseillers généraux. Le gâteau est trop bon pour qu'on s'en prive... Quand le conservatisme et l'idéologie rencontre les intérêts de gamelle de gros notables, voilà ce à quoi on abouti. Et la réponse doit intervenir début 2009 sur ce sujet. Hors la réforme de la structure administrative est attendue pour mi 2009, soit avant les régionales. Autant dire que si le numéro des départements est maintenu sur les plaques, cela voudra dire que la Région sera éliminée dans les six mois suivants, même si par courtoisie on laissera le mot "région" et que ses élus seront ceux des départements...Le protocole est sauf.
C'est bien la preuve que la république ne peut pas changer, qu'elle demeure largement rongée par le clientélisme et la rapacité des barons de la République. Ces appointés n'entendent pas laisser leurs juteuses pébendes s'envoler pour rendre l'état français plus légitime, plus efficace ou plus juste. C'est d'ailleurs la base de la gestion du pays: faire taire les corps intermédiaires représentatifs et confier le pouvoir à des hommes de main serviles grassement rétribués.
La France n'est pas réformable, au contraire plus elle avance, plus elle renforce les prérogatives du camp jacobin et donc de la réaction. C'est la réponse de l'établissement jacobin contre "l'Europe des régions" qui inquiète tant les technocrates parisiens. A l'heure ou les pays d'Europe s'engagent vers plus de subsidiarité et donc de démocratie et de justice, la République s'engage à l'inverse vers une accélération de la centralisation en liquidant le pouvoir des corps historiquement les plus légitimes. Cette décision ne doit pas tromper le lecteur: l'état français a peur et démontre sa nervosité face à ce lent réveil des peuples.
Cette fuite en avant tend à démontrer que le pouvoir politique français tente de se raccroche rà ses vieilles lunes laïcardes pour ne pas se noyer dans un monde qu'ils ne comprennent plus, ces vieux sachems, depuis longtemps.
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